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D’autres extraits piochés ça et là…
— Comme ça, c’est vous le fossoyeur ? lui lança Fred.
— Tout de suite les gros mots ! Appelez ça comme vous voulez. Moi, j’creuse les tombes. Des petits nids bien douillets. J’ai une fonction sociale, à c’qu’on me dit. Dame ! Ça me suffit. Hein, Eddy, avec tout le boulot à la commune et…
— Les morts, ça vous connaît ?
Ludo fixa le policier, l’air ahuri.
— Ben ouais, forcément.
— Justement, on en a un sur les bras. Avant d’être mort, il marchait. Il est passé ici. Vous travaillez dehors, vous l’avez peut-être vu ?
Fred refit la description de la victime. Ludo fit des efforts de concentration méritoires.
— Même sans lunettes, j’l’aurais reconnu. Je vous l’aurais dit, vu que j’fais dans le social.
(Aux archives)
Il lui sembla pénétrer dans un sanctuaire. Une ambiance monacale régnait dans cet espace malgré tout plaisant. Tout était conçu de façon à rendre les recherches agréables. Mais l’homme imprime si fortement sa marque aux lieux qu’on a tendance à identifier l’endroit aux personnes qui le fréquentent. Ici, on ne parlait pas, on chuchotait. On ne marchait pas, on glissait à petits pas. On se devait de respecter le passé et d’adopter l’attitude la plus conforme au lieu. Le policier avait même l’impression que la plupart des lecteurs venaient uniquement ici pour converser avec leurs morts. Certains n’étaient que des ombres.
(Entre policiers)
L’aiguille du compte-tours tutoyait les six mille.
— J’en ai ma claque ! Toujours pessimiste ! Regarde un peu les choses comme elles sont. T’es le cul sur ta chaise, bien planqué dans ton bureau. Le terrain, tu le connais même plus, tu sais même plus l’odeur qu’il a. Ça fait combien de temps que tu bosses dans la boîte ? Trente ? Trente-cinq ?
Jo baissa les yeux.
— Trente-quatre ans et demi.
—-
Pour toute réponse, elle n’obtint qu’un silence qu’elle ne réussit pas à interpréter.
— Il a tout craché, pas vrai ? Si lui il s’affale pas… T’en vois un mieux placé que lui ? C’est pas un outsider. L’évidence même.
— Quelle évidence ? répliqua-t-il sèchement.
— Tu déconnes grave, chef. Regarde la réalité. On a…
— Je sais ce qu’on a. On a cette histoire qui nous fait croire que tout est transparent. Que tout est limpide, ça y est, c’est réglé. Y a plus qu’à emballer. Apprends que le commissaire Muller, il n’emballe pas sans vérifier la marchandise. Et moi, je n’emballe pas les évidences. C’est pas ce qu’on apprend à l’école de police ? J’ai toujours suivi cette règle. Pour l’instant, ça m’a pas trop mal réussi.